• Les enfants du ciel

    Un samedi soir d’été, 22 heures. J’ai coupé mon téléphone et ouvert l’onglet « cinéma » sur mon ordinateur, où j’ai trouvé quelques films que je m’étais mis de côté. Sans me souvenir de quoi il s’agit, je lance la lecture des Enfants du ciel. Le film débute sur un plan fixe montrant les mains d’un artisan en train de réparer une paire de chaussures pour enfant, rose, avec une sangle et un ruban sur le dessus. Le générique défile apparemment en persan, mais je n’en suis pas sûr. Je m’affale sur le canapé, l’ordinateur sur les genoux.

  • Ganaches et galoches

    J’ai longtemps hésité à embarquer pour cette expédition. Au fait, c’est un navire ou un avion ? Je ne sais toujours pas. A force d’admirer Saint-Exupéry et les autres pique-la-lune de sa trempe, j’ai fini par faire le tour de l’appareil des centaines de fois, barguigneur, en rechignant à faire le plein de fuel, d’oxygène ou de poudre d’escampette. Je suis resté à quai, avec mes calculs, mes auspices et mon sextant. Autant dire avec ma trouille. Et j’ai commis le pire des péchés envers ma plume: celui de l’avarice. Voilà si longtemps que je m’empêche d’écrire. Avant de mettre les voiles pour ma grande traversée, de décoller moi aussi…

  • Ya zina

    Elle enchainait les clopes à la fenêtre de sa cuisine. Moi qui ne connais pas grand chose au tabac, je goûtais à son plaisir égoïste en lui reluquant les jambes, qu’elle avait interminables, ses pieds dans des talons aiguilles et le cul dans ma chemise en jean. Ça lui faisait une tenue d’après-baise hyper sexy, au point que je ne songeais qu’à l’exciter à nouveau, multipliant les blagues pour la faire rire et les morceaux de raï, joués sur mon téléphone, pour la faire chanter. Ya zina diri latay diri latay w min lkabssa lal barad Sabrina riait généreusement; à chaque éclat de rire, elle balançait la tête en arrière…

  • L’Orient, express

    Karaganda, Kazakhstan Je ne suis pas qu’un visiteur. A ma manière, je suis un messager moi aussi. Dans les rues de Port-au-Prince, dans la campagne irlandaise ou dans la profonde Andalousie, mes fugues, mes rencontres et mes textes sont autant de lettres aux miens. Depuis le temps que j’enchaine les décollages pour des horizons improbables, j’ai toujours eu la confiance de ma communauté. La définir est un jeu d’enfant : la forment celles et ceux qui, où qu’ils soient et où que j’en sois dans ma vie, vibrent avec moi, tout simplement. Une histoire de solidarité, si on veut. Alors quand je rêve, quand je voyage et quand j’écris, c’est…

  • Beurre de cumin noir

    Cent-trente chevaux galopent au milieu des steppes. J’en compte au moins autant sous le capot de la Volga. Pourtant, rien ne presse. J’ai dans la tête le flow d’un rappeur-cruiser qui semble trainer la même mélancolie, les mêmes langueurs qu’un morceau de Portishead. Le son est lointain, à peine perceptible. Comme si le vent des pâturages faisait frémir la charleston d’un batteur rongé par la timidité. Dans les vastes étendues du désert kazakh, la trompette de Miles Davis ne prend plus l’ascenseur pour l’échafaud. Désormais, c’est le son qui accompagne le décollage des corneilles enjazzées. Encore cette voix nonchalante. Vingt-cinq ans d’écoute boulimique de rap ont fait de moi un…