Buenos Aires

J’ai rassemblé mes chemises estivales. Forcément… La météo argentine annonce un été meurtrier. Consciencieusement, j’ai plié chacune d’entre elles et j’ai réparti ma collection entre la grande valise BCBG du paternel et mon bagage à main, en prenant soin de les caler dans la poche supérieure où elles sont censées voyager dignement. Faire mes valises me prend toujours plus de temps que prévu; or c’est un rite nécessaire à ma préparation mentale, psychique même, pour les grands départs et celui-là occupe tout mon vendredi soir. Comme souvent, j’ai eu besoin de musique pour m’animer, alors j’ai choisi l’album The Doors et j’ai ouvert un paquet de dattes medjoul, en me jurant de m’arrêter à la septième, comme Mahomet, même si, parait-il, nul n’est prophète en son pays.

Take it easy, baby
Take it as it comes
Don’t move too fast
And you want your love to last
Ah, you’ve been moving much too fast

Tout en choisissant les pompes que j’emporterai en Argentine (une paire de Reebok classic legacy façon A$AP Rocky, mes All Star blanches — ça va avec tout! —, de bonnes vieilles espadrilles espagnoles et une paire de mocassins bateau, qu’assurément je ne porterai pas), je me dis que Jim Morrison n’a pas tort avec ses aphorismes. Qu’on choisisse les trottoirs de Manille, de Paris ou d’Alger pour y pourrir ses semelles, l’essentiel est dans la démarche, pas dans la destination. Mes fringues recouvrent le canapé et la planche à repasser sur laquelle j’ai effacé les derniers plis des chemises en lin, lorsque je reçois un message vocal de Victoria; elle m’apprend qu’un taxi m’attendra à l’aéroport, pour me conduire à toute allure au bar où nous verrons la finale du mondial de football, dans deux jours, entourés d’hinchas — les supporters de l’albiceleste. France-Argentine putain, quelle affiche! À trente-quatre ans, c’est la sixième fois que je vois mon équipe de cœur disputer la finale d’un grand tournoi et je me souviens de la première comme de ma première galoche, quasiment au même âge. Le doublé de Zidane versus la langue fougueuse de Mary-Jane, franchement, il n’y a pas photo. C’est pas tous les jours qu’un chauve de vingt-six ans danse la samba face au Brésil de Ronaldo. Et puis MJ, elle embrassait moyen… Je passe quelques coups de fil. Entre les femmes que j’envisage de voir à mon retour (Hortense, quel magnifique prénom), celles dont je m’éloigne peu à peu et celles que je convoite, c’est toujours la même qui hante ma solitude. Et celle-ci, je ne l’appelle plus. Pourtant, j’ai l’impression de la croiser tous les jours dans les tristes rues de décembre. Sous le ciel de ma ville, le temps est maussade; l’envers du décor et la carte postale. Mon sentiment, c’est que cette histoire a volé en éclats au printemps de notre amour pour m’offrir un été douloureux. J’ai quelques fois hésité, ces derniers mois, à m’évader de Genève. J’étouffais dans ma propre ville, dans ces rues dont le pavé sonne faux sans son pas dans le mien. À chaque sortie, je craignais de vivre un nouveau choc, celui de la rupture amoureuse, le pire juillet de mon existence… Dieu qu’on s’est fait du mal à s’aimer si fort. Et cette terrible façon de se quitter, un pas en avant pour deux pas en arrière, comme une salsa funèbre. J’ai toujours trouvé cette musique insoutenable, hormis jouée par d’excellents Cubains ou des Portoricains, comme Ray Barretto dans Mean Streets. Et même là, c’est bien moins de la salsa qu’un traveling scorsésien sous filtre rouge et sur un tube des Stones. J’ai l’esprit embrouillé. Allez, cette fois c’est sûr, je m’envole. Ciao ciao le foyer, je me barre. J’ai beau admirer, façon Roi Soleil, la plus belle vue de la ville tous les matins du monde, je m’en vais respirer autre part. Mon royaume pour un tango !

21 heures. Pourquoi ai-je pris autant de peignes? Je dois en avoir au moins trois pareils. T’as l’air d’un gitan d’Andalousie, m’a dit Karim l’autre soir. C’est vrai que, même s’ils ne forment pas encore une crinière à la Pégase, mes cheveux qui bouclent sur mes épaules, avec mon col roulé noir et mon foulard que je ne quitte plus, font que je ressemble de plus en plus à Camarón. En 1988, l’année de ma naissance, c’est Paco de Lucía qui était de passage à Buenos Aires. On a les images d’une émission géniale où il répond, avec sa sensibilité à fleur de guitare, à deux intervieweurs, puis au public rempli d’Argentines. Entre l’accent du virtuose andalou et celui des Porteñas, mon haut-le-cœur balance, mais quel plaisir tout de même ! Pour l’heure, Khatia Buniatishvili joue tendrement le quatrième prélude de l’opus 28 de Chopin dans mes hauts-parleurs. Du fond de mon spleen remonte une rengaine de mon adolescence. Si je sens pas les miens autour de moi, putain c’est le naufrage assuré. Je pense à Victoria, que je m’apprête à retrouver à 11’000 kilomètres de chez moi et je me répète, pour la cinquantième fois, la chance que j’ai d’avoir des gens qui tiennent à moi. Cette année, j’ai pu compter sur mon entourage, très présent pour l’essentiel. Certains ont pris du galon, si je puis dire. Ilir, par exemple, qui a joué au grand-frère, en étant à la fois confiant, disponible et rassurant; mon carré d’As, bien sûr. Bah oui, les kheys. D’ici, j’entends mes gars crier: libertà ! Comme ça. Il y a eu Mira, comme toujours; la famille de Bruxelles; mes bombasses du Valais; et puis ce béguin juvénile, un diamant brut oublié, puis retrouvé, et qu’on n’en finit pas de polir. Ma famille, le sang. Et ma chienne ! Chacune et chacun assumant sa part de peine comme d’allégresse, sans rechigner. J’ai tout de même eu quelques déceptions. Certains ont fait les morts de manière inexplicable, au moment crucial où je comptais sur eux. Qu’ils se démerdent avec ça. Je m’assieds à terre, en face de mon Mac posé sur une pile de magazines, et j’envoie un épisode de Droit de réponse. Sur le plateau de l’émission, la toute première, Coluche, Brétecher et Depardieu donnent la réplique à Polac, pendant que Siné et Cabu dessinent avec un stylo électronique qui reproduit l’image en direct sur notre écran. Il y a même Gérard de Villiers, qui se fait cirer les pompes par un jeune lecteur de SAS. Bon, c’est pas la meilleure émission. J’en avais vu une avec Charlotte Gainsbourg et une très jeune torera des arènes de Nîmes, époustouflante, ainsi qu’un insipide phallocrate autoproclamé. Je l’avais montrée à Julia, une fille d’une grâce admirable avec qui j’ai eu une aventure aussi brève qu’intense. Nous avions vécu une sorte d’amour impossible malgré les affinités, un trop difficile alignement de planètes. J’aime que mes amoureuses plongent dans mon univers audiovisuel et Julia le fit magistralement, avec l’élégance de ses gestes, la polyphonie de ses mots et son regard espiègle. Comme souvent, les dattes appellent le beurre de cacahuète. J’en ai encore plein la bouche lorsque je ressors de la cuisine pour préparer du papier à lettres dans une fourre cartonnée — du vergé de chez Original Crown Mill, avec les enveloppes assorties. J’adore ce format rectangulaire qui demande de plier les lettres en trois. Mes trois plus beaux stylos complètent la panoplie qui me servira pour en écrire depuis la ville immense. J’ai quelques destinataires en tête, mais la liste peut encore changer. Je range la fourre dans ma valise; me voilà prêt à foutre le camp, à déployer mes ailes au-dessus des nuages.

« Sorry »
Well ever was she?
Out of her mind
Gone in a moment
Poor me?

Que d’étés aurai-je vécus en 2022. À force, je ne sais plus bien si je les compile ou si c’est le même qui dure encore, comme celui des Indiens. En juin, j’étais amoureux, mais à bout de forces, épuisé par quatre années d’études et un dernier semestre qui, émotionnellement, m’avait énormément coûté. Les autres sont partis à la mer, moi, j’ai bibi tout l’été. J’avais enchaîné les galères mais je restais confiant. Ma douce et moi allions passer quelques jours en Italie. J’en rêvais depuis ce jour de printemps, l’année précédente, où je me suis résolu à ne plus porter que des fragrances d’apothicaire florentin. C’est l’une des coquetteries que je dois à celle qui me séduit sans crier gare, un après-midi de mai, dans sa robe délicate et son entrain presque enfantin. J’étais en bras de chemise bleu ciel, radieux et je me sentais fier comme rarement j’ai pu l’être avec une femme à mes côtés. Elle me fit découvrir l’enchantement que peut vous procurer un parfum bien choisi. Nous nous apprivoisions de manière hypersensible. Je lui trouvais du chien et autant de raffinement. ¿Qué mas? Elle aimait ma candeur et mon audace. Nous étions sublimes. Quelques semaines plus tard, je sabordais l’esquif de cette idylle en me donnant à Leïla, une sorte de geisha conquise au coin d’une rue, et en l’avouant à celle qui faisait alors vibrer mon cœur. Pour elle, la nouvelle fut terrible. J’avais fait saigner nos cœurs, par turpitude sans doute, mais surtout parce que je ne savais pas quoi faire d’autre de ces sentiments naissants. Pendant des mois, nous ne nous revîmes plus. Nous finîmes par nous retrouver avec quelques fêlures, mais aussi ce formidable élan du cœur que nous allions croire un temps plus fort que tout. Un an plus tard, nous n’avions pas encore entamé l’été que déjà nous déchantions pour aller crier famine à Cupidon, un peu désorientés par tant d’acrobaties sentimentales. Il me semble que plus l’on s’aimait, plus l’on s’éloignait, moi réclamant du temps et elle de l’attention. Au plus fort de la chaleur estivale, le bonheur n’était plus qu’un mirage. Au lieu d’un oasis de tendresse, j’ai plongé dans la détresse… Quelques semaines auparavant, pourtant, j’étais serein, joyeux même. Plein du sentiment d’avoir trouvé l’être avec qui je voulais vivre mes plus belles années. J’avais eu cette révélation en rentrant du travail un soir et l’avais accueillie comme une libération. À cet instant, il n’y avait plus de place au doute. En dévalant le parc des Bastions à vélo, je souriais, les bras écartés. Il me fallait lui partager cette intime conviction. De celles qui font basculer un amour passionnel et naïf dans les petits bonheurs du quotidien. Je la voyais me dire oui dans une église napolitaine, le premier jour du printemps suivant; elle, femme actuelle, trente ans, jeune et jolie. Ma bandit queen, mon adorable pétasse, délicieuse nymphe de Botticelli ou d’une chanson de Biolay. Au lieu de ça, elle me dit adieu sur un coin de table, entre deux gorgées d’une écœurante limonade, tremblante comme une poseuse de bombe. Après toutes ces épreuves, notre harmonie sensuelle et cet amour vertigineux, elle choisissait son putain d’ex. Quelque chose me dit que ce pauvre type, réapparu la bouche en cœur de chez les Gadaréniens, avait dû lui jouer un refrain languissant, laissant parler pour lui les pompeux fragments du discours amoureux d’un autre, un philosophe mi-tarte-à-la-crème, mi-soupe-à-la-grimace, né — amère coïncidence — un 12 novembre, et que l’odeur de cette sinistre tambouille avait fini par monter à la tête de ma belle… C’est mon storytelling. Elle me prit une dernière fois dans ses bras et elle dégoupilla. Rideau.

On a rangé les vacances
Dans des valises en carton
Et c’est triste quand on pense à la saison
Du soleil et des chansons

Je voulais le Mont Rose, j’ai eu la dégringolade. Comment se remet-on de ça ? Une fois qu’on a lâché prise et que l’ancrage abalakov se dérobe en pleine ascension ? Lorsqu’une avalanche de coups vous fait dévaler la montagne du bonheur jusqu’à vous ensevelir d’un manteau d’épouvante. As I walk through the valley of the shadow of death, I take a look at my life and realize there’s nothin’ left. J’ai marché des heures au bord de l’Arve, jusqu’à la tombée de la nuit, espérant qu’elle m’ensevelisse, elle aussi. J’eus l’impression de m’y vider de mon sang. À plusieurs reprises, j’ai pensé qu’un saut de l’ange depuis le pont des cauchemars était ma seule option pour mettre un terme à la douleur. Pour moi, ce n’était pas juste une séparation. C’était la séparation, celle de trop. Comment en suis-je arrivé là ? Les premiers jours, les crampes étaient si fortes que j’eus la sensation d’avorter. Je perdais brutalement ce rêve de vie à deux, puis à quatre ou cinq. Il me faudrait un terme qualifiant une mort pré-conception. Je me contenterai de cafard, bad trip, idées noires… Sombres songes d’une nuit d’été. Chaque soir, pendant de longues semaines, j’ai assis la Tristesse sur mes genoux et j’ai vécu une saison en enfer, là où toutes les nuits sont glaciales, sordides, blanches comme la mort. Ne pas dormir est la pire des tortures; perdre un être aimé la plus grande des souffrances. J’ai joué et j’ai perdu; l’amour n’aime pas les matchs nuls. Du théâtre des rêves, on peut vite passer aux coulisses des insomnies. Du sentiment d’avoir tout misé à celui d’avoir tout perdu, sans même pouvoir livrer la bataille qui mène à l’estocade. C’est comme si j’avais joué une partie de poker truquée face au croupier véreux d’un casino bâti sur l’Île aux Plaisirs de Pinocchio. Sur le flop, on est beaux et amoureux: on double la mise. Sur le turn, on se fait peur, mais c’est pour mieux savourer l’harmonie des jours heureux. Tapis ! Et quand vient la river, c’est déjà la noyade. Être all-in se paye beaucoup trop cher. Surtout quand la maison (appelons-la souffrance) vous promet la mort à crédit, sans préciser les mensualités. On est à peine en août, je suis déjà fauché, vidé de ma substance vitale, et cette salope veut me faire khalass jusqu’au dernier gramme, à vingt-mille lieues sous la merde. Ezra Pound a raison, l’usure est une peste. J’en suis là, meurtri, les pieds dans les glaïeuls et pourtant je ne dors pas. T’en penses quoi, Jim? This is the end, beautiful friend.

J’ai traversé mon Atlantique de larmes, en solitaire mais pas sans assistance. Les miens, la psy et les cachetons (merci Pfizer) m’ont évité le naufrage malgré les coups de canon dans la cuirasse. Je me souviens des histoires de pirates que j’écoutais gamin, sur le lecteur vinyle des darons, des après-midi entières. Je connaissais par cœur Le Démon des Caraïbes. Même après la trahison d’une part de l’équipage, il y avait toujours un navire à lancer sur les flots à la poursuite d’un rêve, une nouvelle aventure pour laquelle embarquer. Que fait Corto Maltese lorsque son cœur se serre? Il met les voiles, encore et encore. L’écriture aussi m’a sauvé, sacrée bouée de sauvetage dans la détresse. J’ai noirci mes carnets, écrit des lettres, j’en ai brûlé aussi, et puis j’en ai relu, énormément. J’en ai une collection tellement belle et précieuse, de la part de celles — surtout — mais aussi de ceux qui ont tant compté et qui comptent encore… Ma frangine, déjà. Mes amourettes et mes amours radieux. Dieu merci, il reste des femmes et des hommes qui savent prendre la plume. Alors j’ai ramé la putain de sa mère — comme on dit lorsque l’esbroufe des jolies phrases s’incline devant le surgissement du naturel — et j’ai sorti la tête d’une mer d’amertume. Un soir que je reluquais la mort en face et que cette vicelarde opportuniste me faisait du gringue, le corsage ouvert et sa main sur ma braguette, j’ai posé ma tête sur le sol, pour la première fois de ma vie. Priant, implorant, suppliant le Ciel de m’adoucir ce djihad, cette lutte à mort contre mes craintes, mon orgueil et ma propre culpabilité. Je ne m’étais jamais senti aussi seul. Heureusement, les courants ont fini par changer. Blessé, moralement à fond de cale après ce coup de Trafalgar du destin, j’ai fini par trouver, au bout de la nuit et de moi-même, la force de reparaitre sur le pont, et enfin de me hisser jusqu’au nid-de-pie où entrevoir de nouveaux caps, délaissant la tempête de l’angoisse et les nuages noirs du blues pour un ciel bleu rayé de blanc.

– Están asustados.

Vic a raison. Pas besoin d’être expert en football pour voir que les Français jouent avec la peur au ventre. Gagner le mondial deux fois de suite est une idée qui visiblement les terrifie. Après vingt heures de voyage, j’ai atterri à l’aéroport d’Ezeiza. Hémisphère sud, t’entends? Super caliente. J’ai pris un taxi que j’ai payé en dollars comme un gringo et j’ai foncé la rejoindre au centre-ville, au Continental, un bar près de chez elle où tout le monde, à part elle et ses potes, porte les couleurs de l’équipe nationale. Vic est pour l’Argentine, mais moi je reste fidèle à mon équipe et je souffre en silence. On est presque morts, à 2-0, quand M’Bappé rappelle à la planète entière le tireur d’élite qu’il est devenu dans ce game. Stratosphérique. Et quand même insuffisant pour atteindre le toit du monde. Quatro veces, hermano. Quatre fois, Kyll a fait plier Dibu Martínez, le meilleur gardien du mondial. Je suis resté de longues secondes la bouche ouverte quand il a mis le 2ème but égalisateur, plongeant le Continental — pardon, le continent tout entier — dans un silence de cathédrale. Notre-Dame de la Délivrance? Je suis resté de marbre, pas comme une statue mais en pleine dissimulation émotionnelle digne d’une taqiya (attends, mais le mec, il s’est converti à l’islam ou quoi?). Même intérieurement, je n’exulte pas. J’observe simplement ce jeune homme de vingt-trois ans bousculer les plans divins — ou du moins ceux du peuple argentin, qui prie fort Diego Maradona de lui envoyer un nouveau miracle de là où il est —, et je crois rêver. Sur le banc de touche, Di María craque complètement. Le mec a joué comme un guerrier et là, il pleure comme un gosse. C’est ça, le football. Lloris sort une parade à la 97e minute et ça sent de plus en plus le K.O. Au bout de la prolongation, on est à ça du sacre. Mais la Pulga et ses coéquipiers jouent une très grande finale et, comme face aux Italiens en 2006, on la perd aux penalties. Une des plus belles de tous les temps. Dans quelques jours, je reverrai certaines images. Pour mêler le ridicule au désagréable, TF1 aura sans doute mis de la musique lounge dans une nullissime émission sur le mondial (musclez votre jeu, les mecs!), Macron aura bien fait le guignol devant des milliards de téléspectateurs, dégoulinant de familiarité, et le fair-play des uns et des autres ne sera plus qu’un vœu pieu. Heureusement, celles et ceux qui, comme moi, auront gardé les yeux dans les bleus, se rappelleront que Nike nous a gâtés: on a toujours le plus beau maillot du monde et il me tarde de le porter à mon retour au bercail, élégant comme Céladon. Ça y est, c’est fini. Derrière moi, un chabón d’à peine vingt ans est lui aussi en pleurs. Il a retiré son maillot violet « extérieur » de la Selección, comme pour mieux sentir battre son cœur et remercie déjà le Ciel de briller d’une nouvelle étoile. Ce fervent maigrichon me fait penser à moi, il y a quelques années. Dehors, sous un soleil énorme, la liesse s’empare des rues. Je sais, c’est un lieu commun journalistique d’écrire ça, mais que voulez-vous? Ici, gagner la Coupe du monde, c’est comme une apparition mariale, ça met le peuple en transe. Encore une pour la route? Dans les rues de Buenos Aires, des millions de fans chantent la gloire de leur équipe. Et les trois étoiles entre elles, dans le ciel argentin, ne parlent que de toi.